Rüdiger Hoyer et Julia Bondl présentent le Catalogue en ligne des interventions graphiques du groupe d’artistes Bazooka dans le quotidien Libération en 1977/78 (I)

Eine Doppelseite aus einer französischen Zeitung. Am Anfang der linken Seite sieht man das Bild einer Familie mit Hund vor einem heruntergekommenen Backsteingebäude. Am Anfang der rechten Seite steht das Bild eines großen Schiffes.

Ce catalogue (>>) sous forme de numérisations avec métadonnées a été conçu comme base d’études pour un épisode de l’histoire de l’art français et de la presse française qui, en raison de l’accessibilité insuffisante du matériau, n’est jusqu’à présent connu que par extraits. Il est basé sur un fonds de 259 numéros de Libération conservé à la bibliothèque du Zentralinstitut für Kunstgeschichte (ZI) à Munich, fonds complété par des reproductions fournies par la Bibliothèque universitaire de Fribourg-en-Brisgau et par des photos prises par nous à la Documentation de Libération. Les données sont librement accessibles sur le « serveur multimédia » (>>) du Bibliotheksverbund Bayern (BVB), le réseau des bibliothèques bavaroises. Au total, il y a environ 1.000 contributions. Ce chiffre est approximatif, non seulement en raison d’incertitudes d’attribution, mais aussi en raison de difficultés d’isoler des illustrations lorsque la mise en page entière a un caractère graphique.


Le collectif d’artistes français Bazooka ou Bazooka Production comprenait Christian Chapiron (alias Kiki Picasso, *1956), Jean-Louis Dupré (alias Loulou Picasso, *1954), Olivia « Télé » Clavel (*1955), Philippe Renault (alias Lulu Larsen, 1954-2016) et Bernard Vidal (alias Bananar, *1954), ainsi que Jean Rouzaud (*1949), qui était plus âgé que les autres et gardait une indépendance particulière, et de temps à autre Philippe Bailly (alias Ti5 Dur, *1957). D’autres artistes participaient occasionnellement. Après quelques années de production fébrile, marquées pour la plupart d’eux par la consommation excessive de drogues, les artistes de Bazooka ont persévéré plutôt dans leurs voies individuelles. Les artistes ont participé à des magazines de BD et de satire tels que Métal hurlant, L’Écho des Savanes, Charlie Mensuel, Hara-Kiri. Ils ont également réalisé des pochettes de disques. Le groupe s’est finalement fait connaître par le générique de l’émission rock Chorus (>>) d’Antoine de Caunes. Bazooka a surtout marqué la scène graphique française avec des contributions graphiques dans le quotidien Libération en 1977/1978, et avec une série de publications s’échelonnant de 1975 à 1978: En 1975(1974?)/1976 paraissent les trois numéros de Bazooka Production. Suivent des publications en format journal et vendues en kiosque (!): en 1976/1977, les sept numéros de Bulletin Périodique, finalement en 1978 six numéros de Un regard moderne, publiés par Libération.
Au début, les publications de Bazooka appartiennent plutôt au genre BD alternative. Mais déjà Bulletin périodique n’est pas une série de BD, mais une sorte de magazine graphique d’artistes avec un pourcentage élevé de textes divers. Au fil du temps, il y a de plus en plus de séquences de compositions plutôt grand format, consistant en des collages de détournements de photos de presse, affiches de propagande et autres illustrations retravaillées, parfois avec des paroles de chansons punk ou de textes à caractère autobiographique. Ces textes se présentent sous forme dactylographiée ou manuscrite. Les ouvrages se signalent par leurs mises en pages et typographies expérimentales. Les dessins sont parfois élaborés à plusieurs, et les tables des matières des publications nous informent parfois des responsabilités. Plus souvent, il s’agit de dessins d’artistes individuels réunis en des ouvrages collectifs. Les filiations artistiques seraient à analyser. L’esthétique, qui s’oppose à la peinture abstraite et à l’art conceptuel, a été préparée entre autres par les peintres de la Figuration narrative comme Jacques Monory. Cela vaut du moins par Christian Chapiron et Jean-Louis Dupré. La technique du collage peut rappeler également le situationnisme français, mais s’apparente aussi au zines et au design punk. Bazooka s’est servi de manière récurrente d’éléments iconographiques qui relèvent de domaines comme technique, clinique, industrie, vie politique, propagande et publicité. Les références au constructivisme soviétique et au graphisme de la période de l’entre-deux-guerres en général sont bien évidentes (fig. 1).

Fig. 1: Un Regard sur le Monde, Nr. 0 (janvier 1978) [Titre à partir du n° 1: Un regard moderne]

Depuis juillet 1977, les artistes placent dans Libération des éléments graphiques signés Bazooka. La panoplie va du ‚bouche-trou‘ à l’action graphique couvrant des pages entières, en passant par des illustrations plutôt conventionnelles. Ces contributions graphiques, qui ont été introduites pour la plupart dans la phase finale de la production quotidienne, peuvent dominer et même détruire la mise en page normale. L’auto-stylisation comme commando terroriste graphique, très dans l’esprit du temps, faisait évidemment partie du jeu. On devine facilement que les avis là-dessus étaient partagés au sein de l’équipe de Libération, mais les Bazooka ont évidemment bénéficié du soutien du directeur de publication Serge July.
La signature « Bazooka Prod. » apparaît pour la première fois le 5 juillet 1977 dans un portrait de Vladimir Nabokov, photographie redessinée qui accompagne un article sur la première page à l’occasion de la mort de l’écrivain soupçonné de pédophilie. Dans la suite, les interventions de Bazooka sont quotidiennes et multiformes bien que le groupe ne figure que rarement en Une. Et quand c’est le cas, le résultat n’a rien de particulièrement provocant. En revanche, dans la rubrique «courrier des lecteurs» et dans les petites annonces, on trouve de nombreuses contributions de Bazooka. En plus, Bazooka a fourni une sorte de cadre ornemental fixe pour la rubrique consacrée aux événements culturels durant l’été 1977. Mais des illustrations ou interventions sont possibles un peu partout, que ce soient les rubriques politique, justice, société ou les pages de feuilleton. Certaines illustrations sont directement liées au contenu des articles. Parfois la relation iconographique est plutôt associative. Mais il arrive aussi que l’iconographie de Bazooka ignore complètement le contenu des articles. De nombreuses illustrations, parmi lesquels les petits ‘bouche-trous’, peuvent être identifiées comme des découpures provenant d’autres publications de Bazooka.

A Suivre…

Équipe ZI: JULIA BONDL, M.A., assistante de recherche | Dr. RÜDIGER HOYER, Directeur de la bibliothèque | Dipl.-Bibl. CHRISTINE LOOSE, Bibliothécaire
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