Bazooka s’émancipe pour ainsi dire au début du mois d’août 1977 avec le fameux commentaire cynique et méprisant du 4 août de Christian Chapiron à propos de la mort d’un manifestant à Malville. Suite au scandale, le groupe devient lui-même un sujet du journal où des articles et des lettres de lecteurs réels ou fictifs lui sont consacrées. Les perturbations manuscrites de la maquette, effectuées le plus souvent, semble-t-il, par Christian Chapiron, sont particulièrement efficaces lorsqu’il s’agit de mettre sa griffe graphique sur le quotidien. Des illustrations pornographiques, voire pédopornographiques, qui paraissent en août et en novembre 1977, servent à atteindre un niveau maximal d’escalation. Ils reflètent en même temps des discussions actuelles. Les interventions de Bazooka culminent le 25 octobre 1977, avec un numéro parsemé de zones noircies signées « Bazooka Production » (Fig. 2), et le 19 novembre 1977, avec un numéro entièrement investi par Bazooka où le nom de Picasso est utilisé comme une sorte de logo remplaçant la signature du groupe (fig. 3).
Bien que Bazooka joue avec la rhétorique et l’iconographie de la lutte des classes et du terrorisme, lors des événements de l’« Automne allemand », il n’y a longtemps rien de pertinent de la part du groupe. Cela paraît conforme au fait que Libération venait alors de prendre clairement ses distances avec le terrorisme, changement d’ailleurs mal vécu par une partie des lecteurs et entrainant même une occupation des locaux du quotidien. Ce n’est qu’à la fin du mois d’octobre 1977 que paraissent des illustrations relatives aux événements allemands, entre autres dans un « Spécial courrier des lecteurs ». Une seule de ces illustrations revêt un caractère quelque peu provocateur (fig. 4). Ces dessins anticipaient un numéro spécial intitulé L’affaire allemande. La phase intense des interventions de Bazooka se termine avec l’année 1977 et avec la création d’un supplément mensuel entièrement conçu par Bazooka (Un Regard moderne) au début de l’année 1978.
Bien que les artistes aient adopté le stratagème de signer leurs œuvres avec le nom du groupe plutôt qu’individuellement, les styles et les iconographies individuelles existent clairement. Mais c’est dans la personne de Christian Chapiron alias Kiki Picasso que le groupe a surtout problématisé la rhétorique militante de la gauche dans les pages mêmes du journal gauchiste par excellence, allant jusqu’à l’insertion de ‘fake news’ concernant une soi-disante « Fondation réactiviste » (fig. 5). Comme les œuvres d’autres artistes contemporains, les interventions graphiques Bazooka sont particulièrement intéressantes en tant que réflexions sur le discours médiatique, la rhétorique politique et l’impact du design graphique. Bazooka fait aussi partie de l’histoire de l’art et du design punk (Cf. Éric de Chassey: Bazooka, pistolets et autres armes visuelles. – Dans cat. d’exp. Europunk : la culture visuelle punk en Europe (1976 – 1980) / sous la direction d’Éric de Chassey. – Rome : Drago, 2010 ; pp. 126-139. – édition anglaise: Europunk : the visual culture of punk in Europe (1976 – 1980). – Rome: Drago, [2011].).
Le lecteur français regrettera que les métadonnées soient en allemand. Nous espérons pouvoir proposer une version complètement bilingue dans un avenir pas trop éloigné. Les entrées dans la base de données représentent un premier résultat des nos efforts, y compris l’identification des artistes individuels et les mot-clés iconographiques. Nous saurons gré aux lecteurs de leurs précisions, commentaires et corrections.
Équipe ZI: JULIA BONDL, M.A., assistante de recherche | Dr. RÜDIGER HOYER, Directeur de la bibliothèque | Dipl.-Bibl. CHRISTINE LOOSE, Bibliothécaire
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